CEC

Social top

Contact! 10.2

Printemps 1997

Comptes rendu

Experimental Music from Denmark

Une recension de Frank Koustrup

Ce disque est une compilation promotionnelle qui porte, comme son titre l'indique, sur la musique expérimentale récente au Danemark. À l'exception de deux des compositions, toutes les autres ont été réalisées en direct et sont fortement influencées par le jazz des années post-1940. Le livret laisse entendre que ce style est très caractéristique de la musique expérimentale danoise.

Il est regrettable que les commentaires du livret - et la cause en est peut-être l'influence du jazz - se limitent surtout à l'énumération de noms : qui a joué quoi avec qui et à quel moment. Ce genre d'écrit inutile est trop répandu dans les productions de jazz et n'a pas sa place en musique expérimentale. De tels commentaires sont d'autant plus scandaleux que le disque comprend des enregistrements d'un très grand intérêt. J'aimerais lire davantage d'anecdotes à propos des artistes impliqués. J'aimerais savoir ce qu'ils tentent d'exprimer. J'aimerais savoir pourquoi les musiciens travaillent dans un domaine aussi impopulaire et ingrat que celui de la musique expérimentale. Mais les commentaires sur les pièces traitent rarement des compositions ou des intentions des compositeurs. Ils ressemblent à des curriculum vitæ et sont très ennuyants.

Aussi, les durées des pièces, telles qu'elles sont indiquées dans le livret, sont pour la plupart inexactes. La réputation des danois en matière de grande qualité est ternie par ce disque.

Je vais discuter chaque pièce selon l'ordre dans lequel elles sont présentées sur le disque, parce que cette compilation réunit des oeuvres différentes de personnes différentes.

«La Danse sur l'Escalier» du Duo Gaia est une performance syncopée de Ko De Regt, à l'Obukano (une lyre basse africaine), et Henrik Jespersen aux saxophone et effets. Bien que rythmique, la composition est néanmoins statique et minimaliste. Elle est apaisante mais elle me rendrait probablement fou si elle durait plus longtemps.

«Svineryggen», du Kom De Bagfra Orkestret, fait penser à du Pink Floyd 1971 «world beat» ou de la musique «synthé-drone» du début des années 1980. Tous les sons sont des échantillons d'objets tels que des pommes de pins et des feuilles séchées. La composition est générée aléatoirement par le logiciel algorithmique «Space Controller».

«Der' Noe Som Spreller I Posen», de Pierre Dørge, débute comme un solo de guitare nonchalant interrompu par un appel. La pièce est plutôt statique, ennuyante et n'intéresse peut-être que les mordus de guitare. Ma connaissance du danois étant très pauvre, je ne sais pas si le texte parlé fait sens, bien que ce semble être le cas. La deuxième partie est plus intéressante. M. Dørge joue sur sa guitare au moyen d'un archet. Cette technique lui permet de produire des harmoniques. L'effet rappelle le chant des Tuvan. Les contrastes dans le jeu, fort/doux, percussif/legato, sont très efficaces.

«Art Break Totale», de Harald Me Viuff, débute gentiment au piano électrique avant qu'un saxophone griçant et un violon tendu n'explosent à la troisième minute. Moins d'une minute après, l'ambiance change pour devenir percussive, ponctuée de quelques couacs de saxophone. Je n'ai pas grand chose de plus à dire au sujet de cette pièce.

«Bella Konkyi»,de Ghost In The Machine, me rappelle les oeuvres percussives de John Cage. Il s'agit d'une exploration timbrale et rythmique variée et envoûtante.

Martin Klapper est un compositeur tchèque vivant à Copenhague. Pour sa pièce «Sonorteque», réalisée en public, il utilise une variété de jouets et d'instruments fabriqués. La pièce est plutôt mignonne et agréable à écouter; comme une sorte de bavardage de «munchkins» voletant autour de vos oreilles. Je suis sensible à l'approche dadaïste de M. Klapper. Il faut parfois éteindre les appareils électroniques coûteux et «déconner» avec des choses qui font du bruit pour se garder en santé.

La pièce de Jørgen Teller «Shark Mind», avec Per Buhl Acs, débute avec un motif descendant dense et grandiose, entrecoupé par un passage de texte parlé à propos de «Let me die, sacrify». En premier, je préférais la section de la fin, mais ensuite, je la trouvais trop répétitive. Cette longue fin est construite sur une psalmodie filtrée de mots parlés, accompagnée par des échantillons variés en boucle et du feedback d'écho. Tous les épisodes sont baroques, denses, déformés et mémorables d'une façon industrielle.

«You'll see», un solo d'échantilloneur et de réverbération de Jørgen Teller, est une oeuvre plus spacieuse qui ressemble aux compositions ambiantes de Brian Eno. À un certain moment, elle s'éloigne de cette ambiance et se termine avec une sonorité discordante qui produit davantage un effet de perturbation que de nouveauté. En réalité, la fin donne l'impression q'une nouvelle section commence, bien que ce ne soit pas le cas. Trompeur.

«Prisal Spiral», de Søren Gorm, est une pièce de dix minutes pour synthétiseurs superposés. L'oeuvre est atmosphérique, vaste, souvent très belle et ressemble à certaines musiques qui nous viennent des universités canadiennes. Cette pièce, à l'instar de quelques autres compositions du disque, n'est pas réalisée en direct.

«Vari-Cane», de Jakob Draminsky Højmark, ressemble à un duo du compositeur au saxophone et d'un écho. Le saxophone rappelle les sirènes de bateaux et l'écho crée un état semblable à la transe.

«Vrangen Ud Pâ Jorden», de Torsten S. Høgh, mélange des échantillons en boucle de figures de guitares à la Hendrix, de musiques de marches allemandes, de bruits et de mots parlés. Encore une fois, mon danois me fait défaut, bien que je reconnaisse un juron. Quoi qu'il en soit, le danois comporte des sonorités suffisamment amusantes pour être divertissant dans n'importe quelle situation. M. Høgh se décrit comme un «outer-tainer», ce dont je ne doute pas. C'est un type assez tapageur. La pièce est un collage de sons, de styles et de cris; elle est plutôt chaotique et déroutante mais bien amusante. Elle me rappelle la trame sonore du film des années 1980 «Liquid Sky», de même que le vacarme que j'aimais faire lorsque j'avais 21 ans.

«Mit Klang Korsæt»,du compositeur Lars Fuhr, est une pièce de musique concrète sur bande. Il s'agit supposément d'un enregistrement sur cassette. La plupart des sons proviennent d'échantillons de voix. La composition est flatulente, percussive et elle avance très bien. Regorgeant de coupures et de collages, je ne crois pas que la pièce provienne d'une cassette. Ou alors, le compositeur est plus fou qu'il ne le fait entendre.

Ce disque porte l'indication "PROMOTION NOT FOR SALE". J'imagine que cela signifie que l'on peut s'en procurer une copie gratuite, ou pour presque rien. Si vous êtes intéressés, contactez :
Experimental Music Forum

- Frank Koustrup

© CEC 1997

Social bottom